L’édito d’Aimé Pietri
AU PAYS DES ÊTRES SUPRÊMES
Y a-t-il quelque part en Europe, ou ailleurs, un Etat, une région, une ville où les citoyens se considèrent comme le nombril du monde ? On a beau chercher, rien n’apparaît. Mais à bien regarder on peut se rendre compte qu’une région, pardon, un pays, est à même d’apporter une réponse. Vous avez dit la Corse ? Ce n’est pas impossible. Cette île, vous dira-t-on, est d’abord la plus belle, c’est ainsi que les Grecs l’ont désignée. Elle est ensuite dotée de richesses naturelles pour le moins exceptionnelles. Ne recèle-t-elle pas dans son sous-sol des minéraux recherchés, comme le plomb, le nickel, l’argent et, dans les sédiments de son socle, du gaz et du pétrole qui ne demandent qu’à jaillir ? On vous dira aussi que sa flore et sa faune offrent des espèces uniques, donc précieuses, que ses eaux sont les plus pures et que sa mer est la plus bleue. En précisant qu’elle est, dans le bassin méditerranéen, la seule à avoir tant de rivières de lacs et d’étangs, tant de sources et de fontaines, de cascades et ruissellements divers que le terme de château d’eau dont elle est souvent qualifiée lui sied à la perfection. Quittant la géographie pour l’histoire, on ne manquera pas de citer Napoléon et Pascal Paoli dont l’un a conquis l’Europe ou presque et l’autre la Corse ou presque. Deux hommes illustres, dont on ne cesse de rappeler l’appartenance au point de nous faire croire qu’Ajaccio est une ville impériale et Corte une capitale. De nous faire croire aussi que le quotient intellectuel des Corses se situe bien au dessus de la moyenne européenne, et que d’en proclamer la valeur fait déferler sur la planète une énorme vague d’envie et de jalousie. Faudra-t-il ajouter l’extraordinaire avantage de vivre dans une île peuplée d’êtres supérieurs, ouverte à tous les courants porteurs, à tous les échanges fructueux, aux projets les plus hardis, aux innovations les plus sublimes. On n’en finirait pas de citer les records qu’elle établit, au fil des ans, dans tous les domaines et ses performances devraient être mondialement reconnues. Et surtout ne vous laissez pas gagner par le doute qui vous ferait mettre des points d’interrogation là où seuls les points d’exclamation sont de circonstance. N’exprimez jamais le moindre scepticisme. Vous ne tarderiez pas, au pays des plus forts, à être relégué au plus bas de l’échelle du haut de laquelle ils vous mépriseraient.