Parce qu’elle est une île, la Corse a été, depuis toujours, confrontée avec la mer et rien de qui la touche ne lui est étranger. On a extirpé, naguère, de l’armoire aux formules faciles, le terme de « continuité territoriale », pour faire croire qu’il y avait une France monolithique de Dunkerque à Bonifacio. On a tenté, par l’abstrait, de faire rouler des trains sur la Méditerranée. Et même l’idée d’un pont pour effacer les quelque centaines de kilomètres d’eau qui séparent (ou qui préservent) la Corse du continent européen a été récemment évoquée (1) Tous ces projets relèvent, pour l’instant, de l’utopie et, s’il y a assez de magiciens pour les transformer en mirages, personne, jusqu’ici, n’a pu cacher la vérité de la mer qui éclate, à chaque heure du temps, avec une incroyable luminosité. Il faut donc « faire avec la mer » parce que le sort en a décidé ainsi, depuis l’aube du monde. Et pour « faire avec la mer » il faut des bateaux. L’histoire de la Corse est remplie de navires. Des galères trirèmes aux caraques ventrues ou aux étroites felouques jusqu’aux vapeurs postaux, du début du siècle dernier, et aux car ferries d’aujourd’hui. Elle inscrit dans leurs vergues ou leurs gréements, ses chapitres les plus marquants. Ce sont ces navires qui ont constitué, qui constituent encore, mais ils ne sont plus les seuls, les véritables traits d’union et le cordon ombilical depuis que ce pays n’est plus en mesure de vivre en autarcie.
Car ferries, cargos mixtes, pétroliers, butaniers, pinardiers, cimentiers, font un incessant va et vient entre ses ports et ceux des côtes de France ou d’Italie. (1). Ils sont aujourd’hui une bonne quarantaine à toucher Ajaccio, Propriano, Bonifacio, Porto Vecchio, Bastia, Calvi et Ile Rousse avec des rotations plus ou moins régulières, très fréquentes en été, beaucoup moins en hiver après la fermeture du « pont maritime touristique » qui forme la plus grosse partie du trafic passagers.
Le leadership bastiais
C’est Bastia qui vient toujours largement en tête avec quelque 2 500 000 passagers, plus que tous les autres ports corses réunis. Il est vrai que sa position géographique lui a permis, avant et après la dernière guerre, des liaisons privilégiées avec l’Italie et le développement durable des liaison saisonnières avec les ports de Toscane et de Ligurie sont à l’origine de l’incontestable leadership qu’elle s’est assurée dans le domaine du transport maritime. Ces mêmes liaisons avec la Sardaigne ont hissé Bonifacio à la première place des ports secondaires pour le nombre de passagers accueillis. Pendant ce temps, Porto Vecchio, Propriano et Ile Rousse augmentent leur trafic d’une année sur l’autre à la grande satisfaction des chambres de commerce qui en sont les concessionnaires. On retiendra que de telles progressions n’ont été rendues possibles qu’avec la suppression du monopole de pavillon, suppression qui est intervenue le 31 décembre 1992, rendant sa totale liberté à la mer qui nous entoure. On a vu, dés lors, d’autre pavillons flotter sur cette mer entraînant une singulière progression du trafic et confirmant, si besoin était, que l’avenir de cette île est sur la mer et les bateaux qui la sillonnent. Ils assurent sa continuité – même si elle n’est pas territoriale – et, aujourd’hui plus qu’hier sa survie. (1) 80 km de Bastia à Piombino, 110 Km de Bastia à Livourne, 175 km de Calvi à Nice, 315 km d’Ajaccio à Marseille.
J-N.C.