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Reportage "Safran de Corse"

jeudi 10 novembre 2011, par Journal de la Corse

Bienvenue au pays de "l’or rouge" !

Installée dans la propriété familiale de ses grands-parents, au "Pantanu" sur la commune de Sarrola Carcopino, Anne Nocera a pris, en 2006, le pari de devenir agricultrice. La jeune femme a, toutefois, une particularité. Elle cultive...le safran. Rencontre...

Le crocus sativus, voilà une plante peu connue des néophytes. Elle est, néanmoins, très appréciée -et très prisée- sous son appellation commune, le safran. Une épice baptisée -à juste titre- "l’or rouge" en raison de son coût particulièrement élevé (elle se vend entre 25000 et 35000 euros le kilo !). Sauf qu’il faudra travailler durement pour parvenir à récolter ne serait-ce que 500g. Cette épice nécessite, pour pousser, beaucoup de soleil. C’est pourquoi on la retrouve, d’ordinaire, dans les pays chauds au Maghreb, Proche-Orient, Moyen-Orient ainsi, bien sûr, qu’en Asie, plus particulièrement au Cachemire (Inde).

Un pari audacieux

Que s’est-il donc passé chez Anne Nocera, une jeune femme originaire du "Pantanu" (Sarrola Carcopino), pour qu’elle abandonne, dans les années 2000, ses études d’Histoire et ose le pari audacieux de cultiver l’épice tant convoitée ? "Au départ, c’est une passion, explique t-elle, le lien avec l’histoire existe réellement puisque j’ai étudié les civilisations du Moyen-Orient où les épices sont très développées. Cette idée s’est poursuivie et je me suis dit, avec la chaleur que nous avions en Corse, qu’il y avait sans doute la possibilité de cultiver du safran. Mais ce n’était pas gagné d’avance !" Anne quitte donc l’histoire pour l’agriculture et passe de Corte à Fontanière (Creuse) où elle suivra une indispensable formation. De retour en Corse, elle décroche un Brevet Professionnel de Responsable Agricole (BPRA) lui permettant de concrétiser, enfin, son rêve. Quant au terrain, il semblait prédestiné avec la propriété familiale, située au Pantanu, sur la commune de Sarrola-Carcopino. Restait à la jeune femme à débuter son projet de safranière. Préparation du sol, pose des clôtures et, le plus important, la plantation (étalée sur 1200m2).

100000 bulbes plantés

Ainsi, la première récolte, a été effectuée en 2009 (160g). De cent bulbes plantés en 2006 (sur une parcelle d’essais), le nombre est passé à...100000 cette année. "Cette plante nécessite un travail particulièrement minutieux. Son cycle végétal est inversé. C’est-à-dire qu’elle "dort" l’été et la récolte s’effectue, chez nous, à compter d’octobre, c’est la plus tardive de France. On plante plus tôt (de juin à la mi-septembre)." "Les bulbes grossissent et épuisent le sol. On doit donc replanter tous les 3 à 5 ans ailleurs." À compter de la fin octobre, c’est le temps de la récolte en prenant soin de ramasser les fleurs avant que le soleil ne les touche, il les brûle et détériore la qualité des pistils. " Vient ensuite, la coupe, à la limite du rouge-orangé, et le séchage, un travail fastidieux. "Il faut savoir que l’on perd, à chaque fois 80% du poids. Ainsi, pour 10g récoltés, nous n’aurons plus que 2g de safran. C’est la raison pour laquelle on trouve beaucoup de fraudes par adjonction de racines, carthame, curcuma, briques pilées, etc."

Vers une conversion en agriculture bio

Une fois séché dans des petits fours prévus à cet effet (40mn pour 10g), l’or rouge est disposé dans des boîtes ou pots en verre à l’abri de la lumière, de la chaleur et de l’humidité. Le safran doit être consommé dans les deux ans. Récolte, coupe et séchage, trois phases où 4 à 5 personnes sont nécessaires. Mais c’est une affaire de famille puisque Anne est assistée dans sa tâche, par sa mère et sa grand-mère. Il ne reste plus, alors, qu’à procéder à la distribution. "Nous travaillons lors des foires, distribuons en boutique et même certains restaurants comme "L’altru Versu" à Ajaccio." "Safran de Corse", nom donné à la société d’Anne Nocera, commence a être connu dans l’île et même ailleurs. 450g ont été produits l’an dernier, un chiffre qui devrait osciller autour de 600g pour 2011. L’entreprise passera, à compter de décembre prochain, en agriculture bio, ce qui ajoutera un peu plus à sa notoriété. Quant au gramme, il est évalué à 32 euros, ce qui donnerait un coût au kilo nettement supérieur au caviar et à la truffe. De quoi justifier son surnom d’or rouge...

Philippe Peraut

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