Portrait

vendredi 1er octobre 2010, par Journal de la Corse

Portrait Thierry Corbalan Nager pour les autres Un avis de tempête dans les Bouches de Bonifacio a contraint Thierry Corbalan à remettre sa traversée aller et retour entre la plage de Piantarella et Santa Teresa en Sardaigne prévue le 25 septembre. Peu importe, le nageur amputé des bras attendra une météo plus clémente pour relever ce défi : 32 kilomètres en monopalme. Traversée qu’il effectue pour les associations Bout de vie et la Marido. « Je suis heureux comme ça. Ça paraît fou mais je ne reviendrai pas en arrière. Si on me proposais de reprendre ma vie avec mes bras, je refuserais ». Ce brigadier-chef de 51 ans employé au service informatique du commissariat d’Ajaccio est amputé des bras et d’un orteil depuis un accident. « Comme la Vénus de Milo », se plaît-il à indiquer. Il était membre de la brigade de surveillance de Cannes lorsqu’un soir, le 23 mai 1988, sa canne à pêche a heurté une ligne à haute tension, à l’embouchure de la Siagne. Pour Laura et tous les autres L’an dernier, il a relié le port sarde de Santa Teresa di Gallura à la plage de Piantarella, soit 12 kilomètres en 5h37. Il a souhaité retenter l’aventure, en élevant la barre. « Mon objectif n’est pas de faire un temps mais de montrer qu’on peut continuer à vivre sans bras », explique-t-il. Selon les conditions météorologiques, il table sur une traversée entre dix et douze heures, suivi par un kayak pour le ravitaillement. Dans sa combinaison, il glissera une mèche de cheveux appartenant à Laura, jeune fille âgée de 16 ans qui se bat contre une leucémie depuis plusieurs années. Thierry a fait sa connaissance il y a deux ans par l’intermédiaire de Franck Bruno qui avait accueilli des enfants de l’association suisse Courir ensemble dédiée enfants malades. Depuis, ils correspondent par mail et se sont rencontrés pour la première fois cet été. « Laura, c’est ma protégée. Je fais cette traversée aussi pour elle, pour qu’elle se batte. Elle sera avec moi, c’est pour ça aussi que je suis obligé de réussir ». Alors, le nageur s’entraîne environ dix heures par semaine. Bipalmes en piscine, monopalme dans la mer. Il a tenté quelques sorties en mer de plus de vingt kilomètres pour tester sa résistance à l’effort physique. Mi-août, il s’est a été pris dans une tempête : mer houleuse et pluie battante. « Je me suis mis sur le dos et j’ai attendu que ça passe », raconte-t-il dans un éclat de rire. Moral d’acier Un corps athlétique (1,81 mètre et 72 kilos), des yeux verts rieurs, des cheveux coupés ras. Cet homme privé de ses bras depuis l’âge de 29 ans surprend. Parce qu’il a choisi de ne pas laisser le handicap envahir sa vie et s’en est accommodé. Sur son lit d’hôpital, il multipliait les exercices d’abdominaux. Quand il a pu marcher, il courait dans le couloir du centre de rééducation. Huit mois après son accident, il avalait vingt kilomètres lors d’une course pédestre à Cannes en une heure trente. Un an plus tard, il participait au marathon de Nice. « C’est inutile d’en vouloir au monde entier, reconnaît-il. C’était écrit ». Grâce à cet accident il a rencontré son épouse, Patricia « une femme extraordinaire », au commissariat de Cannes. Employé au service informatique, il bénéficie d’une emboîture pour écrire. Dans la vie quotidienne, il est aidé mais fait preuve d’une autonomie surprenante. Après seize années sans conduire, il a repris le volant, sur l’autoroute dans le sud de la France, et a immédiatement retrouvé tous ses réflexes. Depuis il a aménagé son véhicule et peut ainsi prendre le volant seul. « Je ne suis pas handicapé, je suis différent », confie-t-il. Ami de Franck Bruno « Bout de vie » et de Pascal Olmeta « Un sourire, un espoir pour la vie », il envisage de se consacrer davantage aux associations lorsqu’il sera à la retraite, dans trois ans. En attendant, il rêve d’un tandem en vélo et projette une nouvelle aventure pour l’an prochain. « J’ai fait vingt ans de judo, vingt ans de course à pied, j’espère faire vingt ans de natation. Ensuite, je me lancerai peut-être dans l’alpinisme »….lance-t-il. En riant, encore et toujours. M.K

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