Pierre Timothée Trait d’union artistique Nichée au fond d’une cour, La Galerie, à Ajaccio, s’est imposée depuis sa création il y a vingt ans comme une adresse artistique incontournable. Pierre Timothée, son propriétaire, veille sur une petite trentaine de peintres et œuvre pour la reconnaissance de leur talent. Parquet, murs blancs, lumière orientée, musique en sourdine. La Galerie est un lieu où l’on découvre les tableaux accrochés en toute quiétude sous le regard bienveillant de Pierre Timothée. Avant même de formuler une question, le maîtres des lieux s’empresse de fournir les explications nécessaires. Cheveux poivre et sel, mèche impeccable, chemise blanche sur pantalon noir, un pull jeté sur les épaules, Pierre Timothée a l’apparence d’un lord anglais et le discours d’un passionné. C’est en 1990 qu’il a acquis La Galerie, suite à une rencontre coup de cœur avec le peinte Jean-Claude Quilici. Pourtant, rien ne prédestinait cet homme âgé aujourd’hui de 68 ans à devenir galeriste. Des livres d’art à la galerie Pierre Timothée a grandi à Marseille dans une famille absolument pas artistique. Petit, il collectionnait des timbres, des « petits tableaux » qu’il mettait déjà en scène sur les pages de son album. Au collège, il découvre des œuvres des grands maîtres dans les livres d’Histoire de la littérature de la collection Lagarde et Michard. Après son service militaire, il embrasse brièvement une carrière d’informaticien avant de devenir représentant en livres d’art de luxe. Entre temps, il est venu habiter en Corse, lui qui est originaire du village de San Gavino di Carbini. « Mon métier me faisait rencontrer des artistes et le besoin de m’occuper d’eux devenait de plus en plus fort », raconte-t-il. « La chance » lui donne les clés d’une petite galerie, rue Fesch, à Ajaccio, en face du musée. Sa première exposition est consacrée notamment à Michel Jouenne, Richard De Prémare, Jean-Laurent Padovani, trois peintres présents aujourd’hui encore. Un an plus tard, il abandonne, par manque d’expérience, et poursuit sa carrière de représentant en livres d’art de luxe. Sa rencontre avec Jean-Claude Quilici sera décisive et le placera définitivement dans le lieu qui lui sied à la perfection : une galerie. En 1990, l’inauguration de La Galerie sur le cours Napoléon réunit ses peintres fétiches. Son créneau : les peintres figuratifs contemporains. A côté de son trio initial figurent Jean-Claude Quilici bien sûr, mais aussi José Lorenzi, Steinlen, Pierre Farel, Jean-Claude Annelbach, Jean Triolet, Jean-Baptiste Valadié, Gérard Doutreleau. S’ajoutent au fil des années Grossi, Agostini, Albertini, Audibert, Briata, Comiti, Fontdeville, Jaugey, Mazenc, Peretti, Piana, Poulet, Roubaud, Vezinet, Zanella, Zarou. Le dernier arrivé est David Graux, dont les créations s’accrocheront aux cimaises de La Galerie en novembre. Emerveillement La Galerie, qui s’est agrandie avec l’extension à l’aéroport d’Ajaccio en 2002, a acquis au fil des ans une solide notoriété. A l’étage, une multitude de toiles des peintres dont le prix s’échelonne de 1.500 à 15.000 euros. Tous les mois a lieu une nouvelle exposition et chaque artiste est exposé entre deux et quatre ans, c’est le principe de la maison. Il y a quatre ans, Pierre Timothée a non seulement exposé mais également rencontré un peintre dont il suivait secrètement la carrière depuis des décennies : Claude Weisbuch. Le galeriste ajaccien raconte avec un enchantement intact « l’honneur extraordinaire » d’accueillir cet artiste qui d’un trait ouvre ses toile mélangeant les ocres, les bruns et les blancs, au mouvement et à la musique. « Le métier de galeriste repose sur le feeling et n’est pas expliqué dans les manuels scolaires, détaille Pierre Timothée. Quand un galeriste regarde un tableau, il est question de découverte, d’émerveillement, de coup de cœur. Pas de technique. Le goût personnel doit primer, jamais je ne me laisse perturber par la renommée d’un peintre quand je décide de m’occuper de lui. Chaque artiste doit également apporter quelque chose de différent des autres ». Jamais le galeriste ne se rend dans les ateliers de « ses » peintres, ni n’essaie de les influencer pour coller aux aspirations du public. Tout le processus de création ne l’intéresse pas. « Les artistes cheminent sur leurs rails et je les accompagne. C’est passionnant », glisse-t-il. Des liens profonds l’unissent à « ses » artistes. Pourtant, il ne connaît la vie d’aucun d’entre eux. « Je les connais uniquement à travers leurs œuvres, confie-t-il. Je les aime mais je ne les connais pas. Je conserve une partie de mystère. J’aime avant tout l’artiste ». M.K