« Costa Croisières. Création de vacances. » Publicité sur toutes les chaînes de télé. Création sans doute cette fois-ci, mais création d’ennuis et de deuils. « Le Concordia » gigantesque et luxueux bateau de croisière, écroulé sur la rive comme un mastodonte marin. Son commandant, maître à bord après Dieu, 1099 membres d’équipage et 3129 passagers. Ils sont partis joyeux vers une terre prochaine. Hélas trop proche ! Bientôt les rires et refrains stoppés net. Les lumières aussi. Celles des illuminations de la parade devant le minuscule port de la non moins minuscule île de Giglio et celles qui éclairent le paquebot. Il vient d’être ébréché sur un tiers de sa quille. Tous feux éteints, il parcourt encore un kilomètre sur son erre. C’est la nuit. Mediterraneo nox. La mer est belle mais froide. Tout d’un coup, un vacarme effroyable. Le commandant a opéré un virage brutal à droite et il réussit à ancrer le navire sur le rebord d’un plateau terrestre. Reprenant ses esprits et guidé par son expérience il évite ainsi que le « Concordia » s’enfonce corps et biens dans l’abîme. C’est alors, par l’effet d’une brusque torsion de direction que les gens ont entendu ce vacarme effroyable provenant du fait que tout s’entrechoquait : tables, chaises, vaisselle, objets de toute sorte alors qu’ils n’avaient guère ressenti la déchirure de l’étrave sur le rocher. Aussitôt la panique s’installe. Car commettant une seconde faute grave, le commandant abandonne lâchement le bateau, contrairement à son commissaire de bord qui restera stoïque jusqu’à la fin pour sauver des gens, au risque de sa vie. Alors dans une confusion extrême, sans organisation du sauvetage en l’absence de directives, ce fut la ruée sauvage, le sauve qui peut, avec ses cris, ses hurlements, ses actes de dévouement et ses comportements honteux. Bref, « c’était pendant l’horreur d’une profonde nuit. » (1). Arrêtons là. Résultat du désastre : 20 morts et autant de disparus. « Oh flots que vous savez de lugubres histoires » (2). L’équipage et les passagers du « Monte Stello » de la SNCM eurent plus de chance. 80 personnes qui furent évacuées par hélicoptère, le 1er janvier 1994. Le « Monte Stello » après son échouement sur les rochers de l’îlot italien de Barretini dans les Bouches de Bonifacio est éventré lui aussi sur 70 mètres un peu comme le « Concordia », De même « La Louise » navire à voiles et à vapeur de la compagnie Valery s’était échoué sur les écueils proches de l’entrée du Vieux Port de Bastia, un jour de mer démontée par un très fort vent de Nord-Est, dans la nuit du 22 au 23 février 1860. Le capitaine avait manqué de sang froid et l’armateur refusait de recourir au pilote du port. La « Louise » transportait environ 200 passagers et hommes d’équipage. Un quart d’entre eux ne purent se hisser sur le rivage et trouvèrent la mort dans ce naufrage. Un autre sinistre maritime avait précédé celui de « La Louise ». Il eut lieu dans les Bouches de Bonifacio, mais cette fois-ci en plein midi, le 15 février 1855. La frégate « La Sémillante » se brisa sur les rochers des Lavezzi. 773 soldats avaient été embarqués pour se rendre sur le front de Crimée. Il n’y eut aucun survivant. La mer rejeta six cents cadavres. Le vapeur « L’Evénement » de la compagnie Fraissinet s’échoua sur les mêmes récifs qui furent fatals à « La Sémillante ».Mais comme pour le « Monte Stello » les occupants s’en tirèrent sains et saufs. Ah ! La mer qu’on voit danser le long des golfes clairs n’a pas que des reflets d’argent ! (3)
Marc’Aureliu Pietrasanta
(1) Racine. Athalie
(2) Victor Hugo. Oceano nox
(3) Inspiré de « La Mer » Charles Trenet