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L’invité Léo Battesti

jeudi 6 octobre 2011, par Journal de la Corse

La quinzième édition du Corsican Circuit débute le 22 octobre prochain. L’occasion, pour Léo Battesti, président de la Ligue Corse d’Echecs, de faire le point sur une discipline qui connaît un essor fulgurant dans l’île. L’ancien militant nationaliste évoque également son retour sur le devant de la scène, à travers, notamment, le comité "Vérité-Justice" qui s’est récemment créé à Ajaccio.

Le Corsican Circuit débute dans trois semaines. Comment se présente cette édition 2011 ?

Je pense qu’il s’agira d’un des crus les plus exceptionnels avec environ 800 joueurs issus de quarante pays. Nous aurons la présence du champion du monde Vishy Anand, qui revient par sympathie pour la Corse. Une cinquantaine de grands maîtres internationaux seront également là. C’est une compétition de plus en plus difficile sur le plan sportif et c’est l’occasion, pour la Ligue corse, de caractériser sa politique autour de l’élite mondiale des échecs et de la masse. À ce titre, plusieurs centaines de jeunes participeront, à Ajaccio et Bastia, au trophée BNP Paribas.

Comment cette manifestation à la notoriété aujourd’hui, établie, est-elle née ?

Elle a vu le jour en 1997. À cette époque, nous n’avions même pas 5% des licenciés actuels. L’objectif consistait à faire de la communication. C’était tout de même, avec 30000 euros de prix, le premier tournoi au niveau national. Le succès a été énorme, puisque, peu à peu, il est devenu l’un des premiers tournois au monde. Nous avons poursuivi dans cette dynamique. Je dirais, néanmoins, que j’avais mis la cerise avant le gâteau car l’objectif restait d’implanter cette discipline au niveau de la masse, c’est-à-dire des jeunes. C’est ce que nous avons fait progressivement en nous appuyant sur cette vitrine que constituait le tournoi international.

Le Corsican Circuit est devenu, vous l’avez précisé, l’un des tous premiers tournois au monde. À quoi attribuez-vous cette réussite exceptionnelle ?

Le fait qu’il n’y ait pas eu, auparavant, une réelle dynamique échiquéenne nous a permis de partir sur des bases saines. Ensuite, le succès est venu de la politique de masse que nous sommes parvenus à mettre en place en Corse. L’erreur que commettent beaucoup de gens, c’est de se réfugier dans une approche uniquement élitiste de ce type de discipline en ne songeant qu’au seul haut niveau. D’autres disciplines devraient s’en inspirer, en pensant au développement de base et pas uniquement à la compétition. Nous avons, depuis le départ, eu comme leitmotiv de travailler autour de la masse et de populariser cette discipline. Le nombre de licenciés a complètement explosé ; on est aujourd’hui, l’endroit au monde où, par rapport au nombre d’habitants, on a le plus de joueurs d’échecs.

Vous avez également investi le milieu scolaire. Pour quelles raisons ?

Il faut travailler à la base et j’estime que les vertus socio-éducatives des échecs, qui ont rapidement amplifié le mouvement, ont favorisé sa pratique en milieu scolaire. Nous avions, à nos débuts en 1997, 200 élèves concernés. Ils sont, aujourd’hui, 7000, c’est une énorme satisfaction pour la Ligue. On s’est très vite, retrouvés en synergie avec le corps enseignant. Aujourd’hui, il m’est difficile de répondre à toutes les demandes. On est pratiquement dans toutes les zones rurales et dans toutes les grandes villes de Corse. C’est devenu un phénomène considérable au niveau de la société insulaire.

Vous avez associé, à cette discipline, la langue et la culture corses. Pourquoi ?

C’était un souhait de promouvoir la langue et la culture à travers les échecs. On a beaucoup travaillé sur le bilinguisme, notamment avec différents manuels qui servent d’apprentissage comme "primi passi", manuel basique, "scacchi mattu à pido", plus sophistiqué. Nous en sortons un troisième le mois prochain, "ghjoca cù mè campione di u mondu" dont Akkha Vilaisarn est à l’origine. On a la chance de l’avoir, en Corse, c’est l’un des plus grands théoriciens des échecs au niveau de la masse. On fait quelque chose qui est unique au niveau pédagogique. Ce troisième volet sera bilingue Corse-Français et Français-Anglais afin d’attirer du monde au niveau international.

Vous êtes vice-président de la Fédération française des échecs. Songez-vous, un jour, à briguer la présidence ?

Honnêtement non ! J’ai été plusieurs fois sollicité, j’ai toujours refusé car je n’ai pas les moyens d’ajouter cette charge importante à toutes les activités que je mène aujourd’hui. J’ai déjà en charge, au niveau de la Fédération, tout ce qui est autour de la communication et des relations internationales. Je travaille étroitement avec Gary Kasparov afin de développer les échecs au niveau international. Nous préparons, à cet effet, une intervention à Bruxelles où le dossier échiquéen va être proposé. L’objectif étant de déboucher sur un enseignement généralisé au niveau des 27 états de l’Union européenne. Au niveau national, on veut cibler sur 1 200 000 élèves...en nous inspirant un peu du modèle corse. Cela peut paraître prétentieux mais la Corse est devenue une référence mondiale au niveau des échecs. Gary Kasparov, lui-même, ne manque pas, à chacune de ses conférences de citer l’exemple corse.

La Corse pourra t-elle, un jour, voir éclore des grands maîtres internationaux ?

Nous avons un potentiel énorme. Je prends l’exemple d’Albert Tomasi vice-champion d’Europe et champion de France (catégorie petits-poussins), une compétition où 4 jeunes corses ont terminé dans les dix premiers. Michaël Massoni, ancien champion de France cadet est également un sérieux espoir. Les jeunes corses ont, aujourd’hui, un très bon niveau. On doit cela à la stratégie de développement de masse, on détecte des talents mais de manière naturelle. On tient compte, aussi, de certains potentiels avec un encadrement de qualité aussi bien pour la masse que pour l’élite. La Ligue corse d’échecs est devenue la plus grande association au niveau de l’île.

Sur le plan personnel, vous avez quitté la scène politique il y a vingt ans. Pourquoi ?

J’ai démissionné car je ne partageais plus la stratégie développée. J’avais, en outre, appelé à la dissolution des organisations clandestines et je savais que ça allait mal se passer ; ça s’est, effectivement, mal passé puisque la Corse a connu une période particulièrement dramatique. Il y a eu, depuis, de bonnes évolutions et la situation n’est, aujourd’hui, fort heureusement plus comparable.

Vous avez contribué à la création du comité "vérité-justice". Qu’est ce qui a motivé votre choix ?

J’ai décidé de m’investir car je suis persuadé qu’il y a, avec la JIRS, une situation épouvantable. C’est une nouvelle Cour de Sureté de l’Etat où l’on bafoue tous les principes de droit ; on ne cherche pas à découvrir la vérité mais à enfoncer les gens. C’est insupportable et cela a motivé mon choix de m’associer avec d’autres personnes afin de défendre certains principes. Il faut, en Corse, une véritable justice et une véritable police qui mène des enquêtes très poussées tout en respectant les règles de droit. Il faut débusquer tous les assassins. L’Etat de Droit doit s’imposer mais pour cela, il doit être légitime.

Vous reverra t-on, pour autant, sur la scène politique ?

Je n’ai pas de velléités électorales, je ne dis que ça ne m’intéresse pas mais je pense que je peux apporter autre chose. Je n’ignore pas que j’ai un certain crédit et que je suis en relation avec énormément d’acteurs politiques et associatifs en Corse. Je ferai tout mon possible pour faire avancer la situation vers une Corse moderne et identitaire dont le potentiel est énorme. Une communauté de destin qui croit en elle.

Interview réalisée par Joseph Albertini

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