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Interview de Michel Barat

jeudi 8 septembre 2011, par Journal de la Corse

Un peu plus de 45000 élèves reprennent leur scolarité dans l’île, encadrés, dans quelque 307 établissements, par près de 3700 enseignants. L’occasion, pour Michel Barat, Recteur de l’Académie de Corse, d’analyser les enjeux de la rentrée 2011.

Quelle analyse faites-vous, des résultats 2010-2011 au sein de l’Académie de Corse ?

Globalement, ils sont positifs. Pour la première fois depuis longtemps en Corse, nous sommes au-dessus de la moyenne nationale en ce qui concerne la réussite au Baccalauréat. Au Bac général, nous obtenons 89.7%. Quatre académies, seulement, parviennent, sur tout le territoire, à 90%. Au niveau du Brevet, la moyenne nationale est de 83.6%, et nous avons, en Corse, 87.1%. Ce ne sont, certes, que des chiffres et ils ne sont pas forcément une vérité absolue, compte tenu, notamment, de l’étroitesse, dans l’île, de la démographie scolaire. Néanmoins, c’est un indicateur majeur. Une année encourageante qui va nous permettre de lancer de nouveaux projets.

Comment s’annonce la rentrée scolaire 2011-2012 au sein de l’Académie ?

Comme les précédentes avec son lot d’incertitudes et aussi d’insatisfaction. On a beau travailler en amont, on ne sait jamais, en fait, ce qu’il va advenir. Les problèmes viendront, comme chaque année, de là où l’on ne les attend pas. Néanmoins, en dépit de la sempiternelle question des postes, qui reste un vrai problème, cette rentrée s’annonce sereine.

Les syndicats craignent, de nouveaux des suppressions de poste, voire des fermetures d’écoles. Que leur répondez-vous ?

Il est important de souligner que l’on fait d’énormes efforts pour maintenir l’enseignement en milieu rural et ce n’est pas toujours évident à défendre devant le ministère. Je comprends, également, les protestations des uns et des autres. Néanmoins, il faut accepter, dans certains cas, que l’on ne puisse pas aller au delà d’une certaine limite. Les classes menacées, à Bastelica, Cargèse et Vico sont maintenues. En revanche, une classe sera supprimée, à Erza, du fait d’un regroupement pédagogique intercommunal de 3 communes. Sur trois classes, nous avons 23 élèves, ce qui, pour une classe unique, me paraît normal. S’il, n’y en a plus que deux, je ne trouve pas ça scandaleux. En revanche, je trouve scandaleux de protester pour maintenir une classe de 5 élèves. Il n’y a plus d’acte pédagogique. Si l’on veut, en outre, garder l’école en milieu rural, cela ne dépend pas uniquement de l’Education Nationale. Ce maintien de l’école en milieu rural fait, certes, partie de l’aménagement culturel du territoire. Il n’empêche que, sans un indispensable tissu vital autour, nous serons contraints, même si nous sommes les derniers, à partir.

Quels sont les grands axes pour l’année scolaire qui débute ?

Notre chantier principal, c’est l’Internat d’Excellence que nous mettons en place à Corte. C’est un projet nouveau qui a été jugé suffisamment solide par les autorités ministérielles et l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine, ce qui n’est pas rien. Concrètement, cet internat regroupera des lycéens au potentiel relativement élevé. Ils sont issus de tous les milieux de l’île, et évoluent dans un environnement qui présente, pour eux, des difficultés à leur épanouissement scolaire et personnel, que ce soit au niveau social, géographique ou même culturel. Ils seront pris en charge sur la totalité de leur temps scolaire et personnel durant la semaine. Nous débuterons avec 20 élèves la première année avec l’objectif, d’ici trois ans, d’arriver à cent. L’Etat et l’Assemblée de Corse, ont consentis un effort important dans la concrétisation de ce projet, à hauteur de 2 millions d’euros chacun.

D’autres chantiers ?

Le leitmotiv de l’Education Nationale, c’est la réussite pour tous. Et quand on évoque les enfants en difficulté, il convient de ne pas omettre les enfants souffrant d’un handicap. À ce titre, nous avons, en Corse, un taux d’enfants scolarisés, nettement supérieur à la moyenne nationale. Dans le 1er degré, elle est de 1,9 % contre 2,25 chez nous. Dans le 2e degré, et c’est là le grand mérite de la Corse, le chiffre est doublé. (1,4 contre 2,9 en Corse). Ce qui implique qu’à mesure que l’on avance, les efforts consentis sont encore plus importants. On ne saurait, bien entendu, se satisfaire de ces chiffres, ce n’est jamais assez suffisant pour les enfants handicapés. Nous allons, donc, intensifier nos efforts. cette année, dans ce domaine. On ouvrira, en 2012, une structure supplémentaire en Haute-Corse. Par ailleurs, deux pôles pour l’accompagnement à la scolarisation des élèves sourds sont également mis en place dans chacun des départements. Pour le reste, les collèges retiennent notre attention. Ils constituent le maillon faible de la structure éducative. C’est la raison pour laquelle nous allons créer un lien important entre certaines écoles élémentaires et le collège qui y est avoisinant. On va initié une coopération, notamment à Luri, avec une organisation de l’année scolaire où certains domaines pourront être confiés aux professeurs des écoles.

Les enseignants du primaire, se plaignent de ne pas avoir le temps de boucler le programme sur une semaine de 4 jours. Le rythme scolaire doit-il, selon vous, être modifié ?

Je ne crois pas aux grandes théories au sujet du rythme scolaire. Les résultats ne sont, pourtant, pas si mauvais puisque les évaluations de cycle 3, nous placent parmi les trois meilleures académies de France. Derrière ces revendications, que ce soit celles des parents d’élèves, des syndicats ou des politiques, je ne suis pas sûr que l’intérêt des élèves soit réellement discuté. Les disciplines fondamentales peuvent se faire autour d’autres matières. La fonction d’un instituteur est globale, ce n’est pas un professeur de discipline.

Où en est la réforme des lycées entamée l’an dernier ?

En Corse, le bilan est positif. On veut, néanmoins, aller plus loin et toucher aux horaires des lycéens qui est un facteur d’échec scolaire. Un lycéen fait, en moyenne, 34 heures par semaine, si on rajoute le travail personnel, on arrive à 40, c’est beaucoup trop ! Il faudrait peut-être songer à "casser" la notion de classe. C’est, du reste, ce qui est sous-jacent à la réforme. À terme, il faudra se diriger vers des groupes de compétences, les systèmes des collèges et lycées ayant peut-être atteint ses limites.

Les chiffres, concernant la langue corse, ne traduisent pas toujours la réalité du terrain. Qu’en dites-vous ? Comment redonner sa place au Corse dans la société ?

Au niveau de l’Académie, les moyens mis en oeuvre sont conséquents. S’ils ne sont pas respectés, c’est un autre problème qui reste à vérifier. On a, tout de même, au niveau des chiffres, près de 97% d’élèves qui reçoivent un enseignement de langue corse, c’est énorme. Cette année, trente et un professeurs de Corse seront utilisés en soutien de l’élémentaire. Pour le reste, il faut prendre conscience que l’école ne peut pas tout faire et se substituer à la société. Le Corse doit intégrer la société, c’est impératif. La solution, au niveau scolaire, passe peut-être par le bilinguisme partout. Ce sera beaucoup plus facile à gérer.

Interview réalisée par Joseph Albertini

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