Amputé d’une jambe, on ne saluera jamais assez les exploits du bastiais, multiple champion du monde de la spécialité.
Dominique, un petit retour sur ta dernière compétition à Las Vegas, le 9 octobre dernier ?
Il s’agissait du Championnat du Monde Half Ironman à Las Vegas. Au programme 1.9 km de natation, enchainés sur 90 km à vélo et 21 km de course à pied que j’effectue pour ma part en fauteuil. Détail important il y a 57 circuits de qualification au monde ce qui génère 90.000 personnes. 2000 sont qualifiées dont 200 triathlètes professionnels. Pour les personnes porteuses de handicap 8 sont retenues sur 650 candidats ! Ce qui est intéressant c’est que sur ces épreuves mondiales, on a l’opportunité de concourir avec les valides.
Une compétition très éprouvante ?
L’épreuve en elle-même se dispute sous 43.2° Celsius soit 55° au soleil. Le parcours vélo se fait autour du lac Las Vegas avec un dénivelé de 1100 mètres, le parcours à pied n’est pas très adapté pour le fauteuil sur certaines parties, mais dans l’ensemble la majorité des personnes qui se sont qualifiées sont bien entrainées. Il n’y a eu que 23% d’abandon sur 2159 partants ! L’avantage d’être bien préparé dans une épreuve de ce type permet d’arriver plus serein mais… il y a toujours des imprévus. Ainsi j’ai cassé un rayon de mon vélo au 78ème km ce qui m’a fait perdre de précieuses minutes. Mais cela aurait pu être pire. Dans ces cas là on essaie toujours relativiser ! In fine je termine 1302ème sur 2159 au général et 1er en catégorie handicap.
Expérience une fois de plus enrichissante…
Une belle expérience puisque ce résultat m’a permis de concrétiser les 9 mois d’entraînement que j’ai du effectuer et faire subir à mon entourage. Entre 12 et 32 heures par semaine. Autrement dit il ne reste pas beaucoup de place pour s’occuper de sa famille !
Qu’est ce qui à ce jour te fait continuer à faire de la compétition de haut niveau ?
La frustration est le carburant de la motivation et de la combativité. J’ai subi nombre d’interdits dus à mon handicap, dans la vie de tous les jours comme dans le sport. Il faut savoir que le triathlon n’a été autorisé aux personnes porteuses de handicap qu’en 1996 ! Cela m’a permis de suivre un chemin qui s’élargit au fil du temps et qui me mène vers un sommet. Lorsqu’un sommet est atteint, il y a toujours d’autres montagnes à gravir. Grâce à ces frustrations et ces interdits, je commence à acquérir une certaine maturité et une petite maitrise de mes entrainements. S’arrêter maintenant alors que ma maitrise est loin d’être complète serait peut être dommage…
Comment s’articule les entrainements ?
Je m’entraine environ 11 mois sur 12 ! En moyenne je nage 12 km, j’effectue 420 km de vélo et 110 km de fauteuil par semaine. Je pratique si possible du bi-quotidien, car pour moi, la performance est bien sûr liée à l’entrainement mais aussi au repos. J’organise certains modules sur des micros cycles. Par exemple : 3 séances de natation le lundi, 3 séances de vélo le mardi et 3 séances de fauteuil le mercredi, repos le jeudi et le vendredi un enchainé : 4 km de natation, 180 km de vélo et 40 km de fauteuil. Samedi repos et dimanche un peu de vélo en « décrassage ».
Tes prochaines échéances
Le 8 décembre prochain les 24h de home trainer… c’est du vélo, avec Christophe Santini dans le cadre du téléthon, sur la place saint Nicolas à Bastia. Puis j’enchainerai sur le double ironman, à Tempa en Floride : 7,6 km de nation, 360 km de vélo et 84 km de course à pied, en fauteuil pour moi évidemment. En avril je participerai au marathon de Paris, en juin à l’ironman de Nice qui qualificatif pour les championnats du monde, puis en septembre nouveau rendez-vous avec les championnats du monde half ironman à Las Vegas.
Comment mènes-tu ton combat pour montrer qu’un handicap peut être surmonté hormis les compétitions ?
Je travaille à la CCAS (Comité D’entreprise EDF) à mi-temps en tant que Technicien des Activités Séjours. J’interviens dans les centres auprès des adultes mais surtout auprès des adolescents et je me joints à eux dans différentes activités. Pour modifier l’image que le public a du handicap qu’il soit physique ou mental, je pense qu’il faut expliquer aux enfants ce qu’est le handicap. Il n’y a que les enfants qui peuvent changer le monde de demain. C’est pourquoi j’aime me rendre dans les écoles pour leur expliquer que le handicap n’est pas contagieux et que parfois ça peut même être un avantage ! Je n’aurais certainement jamais pratiqué le triathlon si j’avais eu mes deux jambes !!!
Comment se situe la Corse aujourd’hui dans le domaine des aménagements pour handicapés et dans la pratique du handisport ?
Le constat est plutôt général malheureusement. Le plus difficile est de vivre normalement et même quelquefois de survivre. Se déplacer, profiter des loisirs, aller au restaurant ou chez des amis, bref, vivre comme tout le monde est un vrai parcours du combattant. En la matière, la France est un très mauvais élève et se place parmi les derniers pays européens qui sont aux normes d’accessibilités. La nouvelle législation laisse 10 ans à la France pour se ranger aux normes et mettre en conformité les établissements publics et privés ainsi que les transports.
Un message ?
Lorsqu’on pense crouler sous les épreuves, ne faisons pas l’erreur de penser que ça n’arrive qu’à nous ou de se poser des questions du genre "pourquoi moi ? Se poser les bonnes questions permet de mieux avancer. Dans la vie, il n’y a ni problèmes ni obstacles, il n’y a que des défis et des épreuves. Lorsque le parcours ne ressemble pas à ce que nous avons imaginé, je pense qu’il faut apprendre à donner de la valeur ou un sens à ce que nous vivons. Ce sont les épreuves qui nous révèlent. Elles nous mettent au défi de nous dépasser et de nous voir dans notre propre réalité. L’handicap, c’est quand tu crois que tu ne peux pas faire des choses.
Propos recueillis par Ph.J.