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Tour de France : Jaune or ou jaune cocu ?

vendredi 12 juillet 2013, par Journal de la Corse

ON EN PARLERA DEMAIN

Tour de France : Jaune or ou jaune cocu ?

Le passage du Tour de France a-t-il profité à la Corse ? Le débat est lancé. Le consensus ayant prévalu jusqu’à l’événement est en train de voler en éclats.

Les uns continuent de soutenir que la venue de la centenaire Grande Boucle a été bénéfique, les autres considèrent qu’il a été beaucoup dépensé pour rien ou que les Corses ont représenté au mieux les décors alibis et indigènes d’une caravane aussi vénale que coloniale. Le camp des satisfaits comprend l’ensemble des exécutifs locaux (territorial, départementaux, municipaux). De gauche ou de droite, tous les élus concernés se félicitent d’avoir soutenu la venue du Tour. Ils vantent les retombées bénéfiques pour la Corse, aux plans de la notoriété et de l’image, de la couverture médiatique. Ils assurent que jamais ni la Corse, ni son secteur touristique, n’auraient eu les moyens financiers de s’offrir autant d’heures de promotion à l’échelle mondiale. Beaucoup d’insulaires et la plupart des professionnels du tourisme semblent adhérer à cette argumentation. Les mêmes élus invoquent aussi très volontiers que les Corses ont administré la preuve qu’ils étaient en mesure de participer, avec enthousiasme et compétence, à l’organisation et la réussite d’un événement mondial. Il est également indéniable que, durant trois jours, une partie significative de la population et de la clientèle touristique a vécu à l’heure du Tour, et partagé le sentiment d’être au coeur d’une fête populaire de notoriété mondiale. Enfin, pourquoi ne pas se le dire  ? Nombre d’entre nous ont apprécié que l’actualité du Tour efface un peu celle, sinistre, du quotidien. Si on ajoute que la venue du Tour a eu quelques effets aussi directs que positifs sur l’activité locale et sur l’accélération de la réalisation d’aménagements routiers, il est loisible de comprendre ceux qui considèrent qu’en recevant le Tour, la Corse a enfilé un maillot couleur jaune or. Il existe cependant un camp des mécontents qui estiment avoir vu la Corse s’engoncer dans un maillot couleur jaune cocu, et dont certains arguments ne sont pas forcément irrecevables.

Une tunique exemplaire

En l’occurrence, je ne fais pas cas des grincheux pour qui dépenser de l’argent public au-delà d’une stricte vision utilitaire, représente une inqualifiable gabegie. Je ne suis pas non plus encline à approuver ceux qui, invoquant le renoncement de certaines régions françaises à la venue du Tour, y voient la marque de l’absurdité de l’avoir reçu. Passer un tour après avoir été souvent de la partie, ne signifie pas forcément un refus définitif. Je ne partage pas non plus l’opinion de celles et ceux qui, prenant en compte les infrastructures touristiques modestes de la Corse, ne voient pas l’intérêt d’avoir stimulé une envie de Corse. Raisonner ainsi revient à ne pas anticiper la nécessité d’entretenir un portefeuille de visiteurs potentiels et d’être en mesure de compenser des baisses de fréquentation ou de durée de séjour, conjoncturelles ou durables, de clients fidèles. En revanche, je suis de celles et ceux qui regrettent la propension d’ASO (Amaury Sport Organisation) à trop policer et rationnaliser l’organisation du Tour, et à éluder une partie de la réalité corse. La communication n’a en rien aidé à la promotion de la langue corse. L’histoire de l’ile a été lissée, ce qui a conduit jusqu’à ne pas mentionner Ponte Novu par Castello di Rostino sur l’itinéraire officiel. Le « village corse » qui devait promouvoir la production insulaire a été tenu très à l’écart du Village officiel. La caravane publicitaire s’en est tenue à valoriser des marques, marchandises et prestations relevant de la standardisation des savoir faire et de la marchandisation globale. Alors, jaune or ou jaune cocu pour la Corse ? Ni l’une, ni l’autre de ces couleurs n’a été, à mon sens, celle apportée ou imposée par le Tour à la Corse. Il me semble plutôt que, très prosaïquement, notre île a su revêtir et arborer avec fierté, dans un univers dominant de la compétition exacerbée et du profit maximal, la tunique exemplaire de la beauté et de la capacité de bien faire.

• Alexandra Sereni

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