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Transports maritimes

mercredi 6 avril 2011, par Journal de la Corse

Pierre mattei corsica ferries

Un problème douloureux et lancinant

Le conflit qui a provoqué le blocage des navires de la SNCM a relancé le débat sur la desserte maritime de la Corse et l’équilibre à trouver entre service public de qualité et nécessité d’en réduire le coût. Mais les réponses restent à trouver.

Il y a quelques jours, le syndicat CGT des marins de Marseille, le Syndicat autonome de la marine marchande et Marc Dufour, le directeur général de la SNCM, ont signé un document de deux pages mettant fin à 47 jours de grève. Ce conflit qui a provoqué le maintien à quai des navires desservant la Corse dans le cadre du service public maritime, n’a pas permis aux syndicats de faire plier la direction de la SNCM. Elle n’est revenue ni sur la vente d’un navire, ni sur la suppression de traversées Nice / Corse. En revanche, ce conflit a relancé le débat sur la desserte maritime de l’île et l’équilibre à trouver entre service public de qualité et nécessité d’en réduire le coût.

L’occasion a-t-elle fait le larron ?

A la tribune de l Assemblée de Corse, Paul-Marie Bartoli a dénoncé le comportement de la Corsica Ferries durant le récent conflit de la SNCM. Le président de l Office des transports, lui, a vertement reproché d avoir profité des circonstances pour augmenter ses prix. Pierre-Mattei, le directeur général de cette compagnie, n’a pas été ébranlé. Il a fait valoir que sa société avait évité à la Corse un énième blocus. Ce qui est loin d’être faux. En effet, en assurant le transport des passagers, des véhicules et du fret, les bateaux jaunes ont préservé la Corse d’une paralysie économique. On pourrait ajouter qu’ils ont garanti une libre circulation des personnes que le service public maritime pourtant fort coûteux est incapable d’assurer alors qu’un des piliers de la légitimité de son existence et de la note salée qu’il génère est de remédier à la coupure d’avec le Continent que représente l’insularité. Enfin, il est évident qu’ils ont épargné à la Corse les effets négatifs d’une trop mauvaise image dans l’univers touristique. Pierre Mattei a par ailleurs démenti que la Corsica Ferries ait, en matière tarifaire, mis en application le proverbe « l’occasion fait le larron ». Il a expliqué que les prix pratiqués résultaient tout bonnement d’une évolution tarifaire décidée il y a plusieurs mois afin de faire face à la réduction de l’aide au passager transporté, à la hausse des taxes et à l’augmentation du prix des produits pétroliers. Il a également précisé que le tarif résident avait joué son rôle en épargnant aux insulaires les prix élevés résultant de l’achat tardif de billets. Pierre Mattei aurait pu ajouter que Paul-Marie Bartoli et la majorité territoriale ne sont pas exempts de reproches en matière de hausse des coûts des transports Corse / Continent. En effet, pas moins de trois mesures de l’Office des Transports ont contribué à charger la mule : la réduction de l’aide au passager transporté, le refus probablement illégal d’accorder cette aide à la Moby Line, l’autorisation donnée à la compagnie régionale Air Corsica d’augmenter ses tarifs.

Des intérêts contraignants, pressants et contradictoires

La Corsica Ferries est certes loin de relever de l’entreprise philanthropique. Elle n’est pas non plus au top de ce que rêve le passager. Cela étant, il eût sans doute été plus opportun et même pertinent qu’au lieu de s’en prendre à la compagnie ayant évité à la Corse d’être complètement prise en otage, le président de l’Office des transports nous expliquât ce qu’il entendait faire pour qu’à l’avenir le service public maritime coûte moins cher à la Corse tout en s’avérant performant, et ne soit plus paralysé durant près de 50 jours. Par exemple, on eût aimé savoir s’il lancerait une étude de faisabilité relative à la création d’une compagnie régionale maritime de service public. Il eût aussi été précieux de connaître son avis sur les propositions visant à limiter l’offre de service public aux lignes Marseille / Bastia, Marseille / Ajaccio et Marseille / Ile-Rousse et à l’utilisation de cargos mixtes. Il n’eût pas été inutile d’être fixé sur ce que serait le sort en définitive accordé à l’aide au passager transporté applicable aux lignes et compagnies ne relevant pas du service public. Serait-elle supprimée ? Serait-elle réservée aux résidents corses ? La liste des questions pourrait être bien plus longue et plus cruelle. Mais il convient aussi d’être indulgent. Paul-Marie Bartoli, tout comme ses prédécesseurs, est soumis à des intérêts à la fois contraignants, pressants et contradictoires. Nous nous bornerons à en évoquer trois. Supprimer l’aide au passager transporté réjouirait les syndicats de marins et les partisans d’un tourisme durable, mais indisposerait les CCI qui prélèvent des taxes à partir des billets émis et tous ceux qui trouvent un profit plus que significatif dans un tourisme de plus en plus « massifié ». Limiter à trois le nombre de ports corses appelé à être desservis par le service public, réduirait certes le montant de la facture de la continuité territoriale mais susciterait des inquiétudes et des tensions du fait de la mise en danger d’activités économiques et administratives induites. Instaurer un service public minimum en cas de grève comme le demande la droite, ou exiger dans le cahier des charges que le service public puisse être assuré par des non-grévistes comme l’a suggéré Paul-Marie Bartoli durant le récent conflit, satisferait probablement la plupart des usagers mais irriterait sans doute beaucoup les syndicats de marins et une partie de la majorité territoriale. C’est clair, la Corse est loin d’en avoir fini avec les questions lancinantes et douloureuses touchant aux transports maritimes.

Pierre Corsi

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