Yvan Colonna, un coupable au nom de la raison d’état Yvan Colonna reste donc en prison. On voit mal comment dans le contexte sécuritaire actuel il aurait pu en être autrement. Le régime de Nicolas Sarkozy ne pouvait à aucun prix accepter la liberté de celui que lui et ses pairs désignent, depuis le début, comme l’assassin du préfet Erignac. Une décision hautement politique Les avocats d’Yvan Colonna ont évidemment eu raison de mener la bataille pour la libération d’Yvan Colonna. Ils ont eu tort de laisser planer le doute sur le résultat final. Juridiquement d’abord : la cour de cassation a infirmé le résultat du second procès remettant donc Yvan Colonna dans le cadre de la première condamnation à perpétuité. Mais le plus important est le contexte politique de cette décision. Nicolas Sarkozy est malmené par l’affaire Bettencourt- Woerth alors même qu’il impose une réforme impopulaire sur les retraites. Il a donc choisi de tout axer sur la sécurité, dépassant parfois le Front national sur sa droite. Pour ce faire, il a choisi de bousculer le corps préfectoral et de placer ses gouverneurs militaires partout où il faut rouler des mécaniques. Or le nom d’Yvan Colonna est emblématique pour l’association des préfets (celle qu’a grossièrement brocardée le président après la mutation sanction du préfet de l’Isère). Cette association mène depuis 1998 un combat contre ce qu’elle désigne comme les assassins du préfet Erignac. Elle s’est ridiculisée en soutenant jusqu’à l’absurde le préfet Bonnet. Elle s’est élevée contre la décision de la cour de Cassation. Pour des raisons de crédibilité politique mais aussi d’équilibrage, le président ne pouvait se permettre une mise en liberté d’Yvan Colonna. Un troisième procès politique Le troisième procès d’Yvan Colonna va donc s’ouvrir à un an des présidentielles. Ce sera donc de fait un procès politique avec vraisemblablement une cour triée sur le volet afin d’éviter une mauvaise surprise. La défense sera nationalement affaiblie par la campagne insensée que mène le gouvernement avec l’aide de quelques médias sur le thème de l’insécurité. Le pouvoir ne peut pas se permettre de reculer d’un pouce. On peut donc tabler sur une agressivité majeure de l’accusation. Je n’ai d’ailleurs toujours pas compris pourquoi celle-ci s’était systématiquement opposée à une reconstitution comme je n’ai pas compris en quoi celle-ci pouvait être décisive pour l’accusé. Je ne crois pas que le point de bascule du procès se situera dans les preuves ou les non-preuves dix fois décryptées mais dans l’ambiance que sauront installer l’accusé et ses défenseurs. Dès lors qu’on a conscience qu’un procès est politique, l’expérience démontre qu’il ne sert plus à rien d’insister à outrance sur son aspect strictement juridique. La défense doit montrer un front uni et savoir manier avec discernement le côté émotionnel de l’affaire. Sans cela les témoignages palissent. Le temps les estompe et les rend lointains. La sérénité des débats profite à une justice qui a pour elle la force implacable de l’état. Yvan Colonna doit parvenir à se rendre sympathique aux yeux d’une opinion publique corse qui n’a guère montré d’enthousiasme à son égard dans le passé. Ni pessimisme ni optimisme Les soutiens de prisonniers sont souvent cyclothymiques. Ils s’enthousiasment pour des riens mais se désespèrent tout aussi vite. Il faut donc constater que la situation d’Yvan Colonna est difficile, très difficile. Il ne sert à rien de s’indigner constamment des positions de ceux qui représentent l’état. On voit mal comment, après tant d’années ils pourraient agir autrement. Il faut simplement réussir à déplacer le débat sur un terrain qui n’est pas le leur et ce terrain c’est la lutte du peuple corse avec ses excès et ses générosités. Yvan Colonna a une petite chance de s’en tirer : c’est de devenir l’incarnation de ce combat tout en reconnaissant ses erreurs, ses déviances, ses outrances mais aussi sa légitimité profonde d’ailleurs comprise par un état qui a cherché à négocier. Reste à savoir si la défense acceptera de revenir sur son ancienne stratégie et si le principal intéressé possède les capacités de mener un tel combat qui exige de rester sur le pont en permanence et de contrer l’accusation point par point sans excès mais sans mollesse. En définitive, la crise et le mécontentement qu’elle génère pourraient être des alliés du berger de Cargèse en lui permettant de faire percer une image politique. Il existe donc une porte de sortie. Elle est minuscule mais elle existe. Gabriel Xavier CULIOLI Â