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CHRONIQUE

jeudi 7 octobre 2010, par Journal de la Corse

La violence régulatrice du système corse La question de la violence va être débattue par les élus corses. Parler d’un problème récurrent n’est jamais mauvais en soi : à la condition d’aborder le fond du problème. Or la réalité est que les violences endogènes et exogènes ont toujours été des régulateurs de la société corse. La question du grand banditisme À la veille du débat sur la violence en Corse, Émile Zuccarelli, le maire de Bastia, interrogé par Corse-Matin, affirme l’importance de refuser la proximité avec le grand banditisme. Allant plus loin il déclare, reprenant en écho des propos tenus à la veille du second tour des territoriales par Dominique Bucchini : « Nous devrions nous interroger collectivement sur le fait de continuer à accepter une proximité avec le banditisme qui pénètre tous les rouages de l’économie et même de la politique » On ne peut qu’être ravi par de telles intentions. Mais de quelle manière les paroles seront-elles suivies par des actes ? Bastia est une petite ville et personne ne peut ignorer l’importance prise par des personnages à qui on attribue à tort ou à raison un lien avec la fantomatique Brise-de-Mer. Que je sache le maire de Zuccarelli n’a pas mené jusqu’à aujourd’hui de croisade contre la promiscuité locale ? Admettons qu’il y ait là une sorte d’acte de contrition tout à fait louable. Mais n’est-ce pas le rôle de l’élu, de tous les élus, d’interpeller les pouvoirs publics sur la lamentable aventure du pôle économique située à Bastia et totalement muet jusqu’à aujourd’hui ? N’est-ce pas leur fonction que de s’interroger sur la place grandissante d’une justice d’exception, par ailleurs inefficace au détriment d’enquêtes locales à qui on offrirait personnels et moyens ? Je ne peux pas accabler Émile Zuccarelli qui a souvent montré du courage face à une violence qui lui a aussi beaucoup servi. Mais il est un peu facile de céder à une mode du moment puis à garder un silence prudent. Car, si le constat que font Émile Zuccarelli et Dominique Bucchini est juste (et qui d’après moi est en dessous de la réalité) il serait temps de lancer une campagne locale, à l’instigation de Corses, afin de tenter d’enrayer un phénomène qui nous gangrène comme un cancer. Une violence entretenue Mon idée est que la société corse s’est bâtie autour de la violence et par la violence. Les conquêtes pisanes, génoises puis françaises ont entretenu un climat sanguinaire qui servait aux uns comme aux autres. Les partis, les familles s’entre-déchiraient pour exister aux yeux du conquérant. Celui qui gagnait sur l’autre pouvait ainsi se targuer d’une double victoire : il avait écrasé l’ennemi proche et fait la démonstration qu’il était le seul interlocuteur valable. On m’accordera qu’un tel schéma n’a pas vieilli. Les partis traditionnels se servaient des vindette et des bandits pour asseoir leur pouvoir sur le parti adverse, cet ennemi si intime. Quant à la puissance tutélaire, elle trouvait son content en pactisant avec l’une ou l’autre des forces en présence, quitte à alterner les alliances quand il fallait démontrer à ses sicaires locaux qui était le vrai patron. Voilà pour la violence endogène. Pour ce qui concerne la violence exogène, il est évident que les guerres diverses et variées ont servi aux Corses de lien fondamental avec les puissances conquérantes. C’est au nom du sang versé qu’un Sampiero Corso exige de la couronne française une aide pour chasser les Génois de Corse. Les guerres et donc l’armée jouent le rôle de formidables ascenseurs sociaux en offrant aux plus « méritants » des carrières inespérées aux quatre coins de l’empire français. C’est la fin des colonies et des guerres coloniales qui creusent le fossé entre la Corse et la France. Par effet de dominos, la décolonisation (que l’on peut situer définitive en 1975 avec la chute de Saigon) correspond avec le premier choc pétrolier. Dès lors, les Corses s’enferment dans l’île et la violence se retrouver elle aussi confinée à la Corse, Il faudrait plutôt écrire les violences car à côté de la violence délinquante (la fin des années soixante-dix est l’affirmation de la Brise de Mer) éclate la violence clandestine. Toutes deux sont également le fruit d’une société bloquée par la tradition qui explose à la marge. Alors on peut toujours discuter à l’infinie de la violence. Tant qu’on refusera l’idée fondamentale qu’elle est avant tout le produit de nos contradictions, nous ne ferons que bavasser sans résultat aucun. GXC

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