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Racisme en Italie

vendredi 9 août 2013, par Journal de la Corse

Racisme en Italie

Le pourtour méditerranéen est bien trompeur. Les échanges de population, qui s’opèrent depuis la nuit des temps dans cette région du monde, auraient pu laisser croire à une fraternité entre peuples plus grande qu’ailleurs. Au vu des événements récents en Grèce, en Espagne et en Italie, il n’en est rien. Bien au contraire. En Italie, les cris de singe sont monnaie courante dans les tribunes footballistiques. Pire, la seule ministre noire du gouvernement est régulièrement insultée et menacée.

Un racisme interne et externe

Dans une Italie, qui n’existe en tant qu’Etat que depuis un peu plus d’un siècle et demi (17 mars 1861), le nord du pays a toujours professé à l’égard du sud un mépris à la fois culturel et économique. Les Vallée d’Aoste, la Ligurie, la Lombardie et le Piémont, l’Émilie-Romagne, le Frioul-Vénétie Julienne, le Trentin-Haut- Adige et la Vénétie forment ce que les ligards du Nord appellent la Padanie. De nombreux habitants de cette partie supérieure de la Botte regardent les sudistes comme des fainéants et des assistés. Il est fréquent, lors des matchs interrégionaux, de lire sur des banderoles adressées par exemple aux Napolitains : « Bouseux, vous puez. » Depuis le début de la crise économique, le racisme frappe aussi les populations immigrées. Cela s’est traduit par des insultes, des coups et parfois des assassinats.

Un appel au viol

Le lieu de prédilection du racisme est le stade de football. Des cris de singe et bananes gonflables sont lancés à l’adresse des joueurs noirs. La ministre de l’Intégration, Cécile Kyenge, d’origine congolaise, est régulièrement traînée dans la boue par des élus de la Ligue du nord ou des néofascistes. Le vice-président du Sénat, Roberto Calderoli, lui-même membre de la Ligue du Nord, a osé comparer la ministre à un orang-outang, avant de vaguement s’excuser après plusieurs jours. Il a fini par être inculpé pour diffamation, aggravée d’incitation à la haine raciale, après une plainte déposée par… une association de consommateurs. Mais il a été maintenu à son poste de viceprésident du Sénat, en dépit de nombreux appels à sa démission et d’une pétition qui a réuni près de 200 000 signatures. Une élue de la Ligue, qui avait appelé à violer la ministre, a été condamnée à un an et un mois de réclusion avec sursis et interdiction d’exercer tout mandat public pendant trois ans.

Un pays sans réel passé colonial

Le racisme italien peut s’expliquer par des causes endogènes : la crise, la pauvreté grandissante, mais aussi des causes exogènes. L’Italie n’a pas eu de véritable passé colonial. Les Italiens ont donc eu peu d’occasions d’entrer en contact avec l’autre et moins encore sur leur propre sol. Selon la philosophe Michela Marzano, également députée du Parti démocrate (PD, gauche) interviewée par le site Slate.fr "il y a une tolérance extrême vis-à-vis de l’intolérance", rappelant que l’Italie "a toujours été un pays d’émigration plutôt que d’immigration". Luigi Manconi, président de la commission des Droits civils au Sénat, mentionne aussi "le passé colonial risible" de l’Italie, essentiellement limité à la Libye et la corne de l’Afrique (Éthiopie, Somalie, Érythrée). Ce sénateur estime qu’en Italie, il n’existe pas de réel mouvement antiraciste comme en France. "Nous sommes restés très provinciaux et l’affaire Calderoli se résout avec beaucoup d’indignation et rien de concret", constate Marco Fossati, selon lequel "qui s’en indigne est perçu comme bigot, moraliste, malade du virus du politiquement correct". Une tendance qui se généralise dans l’Europe méditerranéenne. Pour Luigi Manconi, la Ligue du Nord et en particulier Roberto Calderoli, habitué des insultes racistes, "a joué un rôle fondamental dans la légitimation des pulsions xénophobes". Mais ces horreurs ont été proférées dans un climat de passivité quasi générale. Selon Adriano Prosperi, professeur d’histoire moderne à l’université de Pise, les lois raciales antisémites de 1938, édictées sous le règne fasciste de Mussolini. avaient déjà été "absorbées passivement par la société italienne", Or, l’ex-chef du gouvernement, le mafieux Silvio Berlusconi, avait publiquement rendu hommage à ce régime dictatorial, lors de l’inauguration d’un musée sur l’Holocauste (quelle classe !), affirmant qu’il avait "sur beaucoup d’aspects fait des choses positives" avant de faire marche arrière. L’exemple de la saloperie ordinaire vient de haut.

GXC

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