« Gracias a la vida », titre de la très célèbre chanson de Mercedes Sosa pourrait être la devise du spectacle « Latinidad » de Patrizia Poli.
Ce « merci à la vie » symbolise bien toute la générosité de l’artiste qui a porté sur les fonts baptismaux « Les Nouvelles Polyphonies Corses » et les « Soledonna ». La générosité et le talent évidemment, car sur scène comment dissocier les deux si l’on veut adresser au public des brassées d’émotions puissantes, vibrantes et délicates ! Auteur-compositeur-interprète Patrizia Poli s’est imposée comme précurseur de la renaissance du chant insulaire. Dans ce « Latinidad » éclate une nouvelle fois la beauté de son interprétation de textes et de musiques incomparables. Interprétation subtile et magistrale qu’expliquent et éclairent ses dons de comédienne. Un répertoire nouveau et en langue espagnole surtout (et un peu en portugais). Il y avait longtemps que la chanteuse en avait envie. Avec grâce, conviction, ténacité elle a transformé un rêve en réalité. De l’envie à la concrétisation il y a eu des étapes mûrement réfléchies. En fait, l’idée germe en elle en 1980 lors d’un concert à Corte de Paco Ibanez : elle est bouleversée, enthousiasmée. Son admiration pour Mercedes Sosa,(photo) sa rencontre avec Nilda Fernandez (photo) sont ensuite des jalons-clé. Une tournée à Madrid, une suggestion-injonction de Dominique Tognotti – peu avant sa mort – de s’intéresser aux grands de la poésie hispanophone vont être le déclic décisif. Qu’elle chante Lorca sur des musiques de Leonard Cohen ou Nilda Fernandez, Neruda sur des compositions d’Ibanez, qu’elle fasse une incursion dans la cinématographie d’Almodovar Patrizia Poli réussit son pari. L’auditoire adhère. Mieux il est transporté. Dans ce récital il y a de la tristesse, de la mélancolie, du déchirement. Il y a de l’espoir, de l’humour, de l’appétit de vivre. Le duo avec Cécè Pesce fonctionne à merveille. Le guitariste nous donne là une excellente prestation. « Latinidad » est une invitation au voyage intérieur qui dit qu’il n’est pas de tourments sans réconfort. Le tour de chant dure quatre vingt dix minutes : on ne voit pas passer le temps et on en sort confiant dans l’avenir avec de folles envies d’autres découvertes encore… Par-delà les barrières d’un protectionnisme mental, esthétique, affectif, étriqué. Avec pour horizon une confrontation enrichissante avec le monde.
Michèle Acquaviva-Pache